Moi-même, j'étais solitaire étant enfant. J'étais assez douée à l'école, mais je n'avais pas vraiment d'amis. Mes parents vivaient à la campagne. Ils sont d'une génération où il est habituel d'envoyer ses enfants très jeunes dans des fermes l'été. Je suis partie pour la première fois à 5 ans. On est si petit à 5 ans. Et chaque année, je changeais de ferme, je perdais mes repères. J'étais très malheureuse. Sauf une année. J'étais dans le nord. Ce fut un choc culturel très positif. C'est une région avec une vie culturelle intense. Les gens sont très cultivés. Ils lisent énormément. Là-bas, une femme nous a raconté l'histoire des "Misérables" de Victor Hugo, tout en faisant de la confiture à la rhubarbe. Elle a totalement reconstruit le livre à sa façon. Cette femme m'a vraiment enrichie. Elle nous a aussi appris des poèmes islandais. Très tristes, ils m'ont beaucoup touché.
Le fait de voyager beaucoup aujourd'hui, de vivre à Paris puis à Berlin, sont-ce des restes de cette enfance ?
Aujourd'hui, c'est un choix. Je veux m'échapper de l'Islande. Je ne peux pas vivre en Islande douze mois dans l'année. J'ai besoin d'une liberté, d'un climat, d'une douceur de vie. Mais l'Islande me manque. Je voudrais vivre en Islande quatre mois de l'année et ailleurs le reste du temps. Mais malheureusement, ce n'est pas possible.
L'amour : c'est l'un de vos thèmes principaux.
Cela me fascine de voir à quel point l'amour est fort. Nous révélons notre caractère lorsque nous sommes amoureux. Après toutes ses années à écrire sur ce thème, et avec ma propre expérience, je ne comprends toujours pas l'amour. Je ne comprends pas comment quelqu'un peut devenir l'objet d'une telle fascination. L'amour est complètement en dehors de notre volonté. Je ne peux pas choisir de ne pas aimer. On peut couper tout contact avec l'être aimé, sans réussir à l'oublier. Et trouver un nouvel amour n'efface pas forcément l'ancien.
Et vous-même, avez-vous peur d'aimer comme certains de vos personnages ?
Alda, l'héroïne du "Voleur de vie", est rejetée. Elle a toujours tout contrôlé dans sa vie, mais elle a été rejetée malgré tout. C'est cela la peur la plus profonde : la peur d'être rejetée par l'être aimé. Chaque lecteur se voit dans cette situation. On a tous vécu cela un jour. Et après cela, la vie n'est plus jamais la même.
Alda voit sa vie détruite par cet amour rejeté.
Quelqu'un m'a dit : "Alda est la plus tragique des héroïnes de la littérature islandaise". Dans son cas, elle est trop obstinée. Elle aime la vérité, et la vérité, c'est qu'elle aime cet homme, et qu'elle ne peut pas, ou ne veux pas, le désaimer. Cela ne pourra pas changer, car elle ne fait pas l'effort. Elle vit cet amour qui est plus fort qu'elle.
Dans ce livre en particulier, votre style d'écriture varie vraiment au fur et à mesure de l'évolution du personnage. Et dans tous vos livres en général, la forme est aussi importante que le fond.