Crise financière de 2008 : l'Islande dans le chaos

Geir Haarde, premier ministre de la République d'Islande pendant la crise

2008, année noire pour l'Islande. Très durement touché par la crise économique dès les premières semaines, le pays s'est retrouvé dans une situation financière critique. Mis au ban de pays "amis" tels le Royaume-Uni, qui n'avait plus confiance en son économie, l'Islande a dû affronter seule la tourmente, aidée bien tardivement par le FMI et quelques nations intimement liées à l'île (Iles Féroé, Norvège et Pologne).


2008, année de la crise donc. Une crise bien complexe pour les béotiens de l'économie, mais pourtant omniprésente dès qu'on l'on parle de l'Islande. Qu'est-ce que la crise ? Quelles sont les conséquences sur la vie en Islande ? Qu'en pensent les Islandais, notamment l'ancienne Présidente Vigdís Finnbogadóttir ? 


Chronologie

Billet islandais de 10 couronnes

En une semaine, l'Islande a tout perdu. Presque dix ans de capitalisme envolé en fumée, tout comme les petites épargnes du peuple. Pris par la crise, le gouvernement a nationalisé les trois banques du pays, le précipitant dans la banqueroute financière. Voici une chronologie, non exhaustive, des évènements qui ont précipité la fin de l'Islande ultra-capitaliste. 


- Mai 2008 : les banques centrales scandinaves mettent à disposition 1,5 milliard d'euros pour la banque islandaise Glitnir, en proie à des difficultés de liquidité à cause de la crise économique américaine.


- Été 2008 : l'inflation est galopante, +14,5% en août, la couronne dégringole, -39% depuis juillet 2007.


- 29 septembre : la troisième banque du pays, Glitnir, est nationalisée par le gouvernement. L'État islandais injecte 600 millions d'euros pour renflouer l'établissement et récupère en contrepartie 75% de son capital. Une situation que le gouvernement veut provisoire, en attendant que la situation se normalise.


- 6 octobre : "l'Islande est au bord de la banqueroute", dixit Geir Haarde, le premier ministre islandais. Il justifie ainsi la promulgation de lois d'urgence, qui permettent à l'État, le cas échéant, de prendre le contrôle des banques si elles se trouvent en difficulté.


- 7 octobre : le gouvernement prend le contrôle de Landsbankinn, 2ème banque du pays, dont la particularité est de posséder plus de déposants au Royaume-Uni qu'en Islande, via sa filiale Icesave. Gordon Brown, premier ministre britannique, réagit immédiatement et veut poursuivre l'Islande en justice pour avoir gelé les comptes de ses 300 000 clients. 

Landsbankinn Islande

- 8 octobre : la crise financière devient diplomatique. Face à la nationalisation de Landsbankinn et au gel des comptes de Icesave, le Royaume-Uni saisit les actifs bancaires islandais dans le pays en appliquant une loi anti-terroriste. Une décision unilatérale afin de pouvoir indemniser les clients d'Icesave le cas échéant.


- 9 octobre : la plus grande banque du pays, Kaupþing, est mise sous tutelle à son tour. La direction de la banque démissionne. Le même jour, tous les cours de la bourse islandaise sont suspendus.


- 11 octobre : les Islandais descendent dans la rue et manifestent devant l'Alþing, le parlement. Un fait excessivement rare dans un pays généralement peu contestataire. Les manifestants réclament la démission du gouvernement et des dirigeants de la banque centrale. Le premier ministre Geir Haarde est critiqué pour sa gestion de la crise, notamment pour la nationalisation précipitée de Glitnir.


- 14 octobre : reprise des cours à la bourse de Reykjavík, sans les trois banques, qui représentaient 75% de la valeur de la bourse avant sa fermeture. La Norvège accorde un prêt à l'Islande d'une valeur de 400 millions d'euros.


- 17 octobre : l'Islande n'obtient pas le siège non-permanent au conseil de sécurité de l'ONU. Alors que les votes lui semblaient favorables avant la crise, l'Islande est arrivée en 3ème et dernière position, loin derrière l'Autriche et la Turquie. Les problèmes économiques et la crise diplomatique avec le Royaume-Uni ont sans doute joué un rôle dans l'échec islandais à l'ONU. 

Le siège du FMI

- 24 octobre : l'Islande demande l'aide du FMI, le Fond Monétaire International. Un accord de principe est trouvé. Le pays veut ainsi dissiper les doutes de pays qui pourraient prêter de l'argent à l'Islande.


- 29 octobre : les îles Féroé prêtent de l'argent à l'Islande. Le petit État voisin accorde un "petit" prêt de 40 millions d'euros pour participer au sauvetage d'un pays historiquement et culturellement très proche.


- 3 novembre : la Norvège accorde un nouveau prêt à l'Islande, d'un montant de 500 millions d'euros.


- 10 novembre : le FMI diffère la ratification de son aide à l'Islande. Certains y voient la main du Royaume-Uni et des Pays-bas qui veulent régler leurs différends sur les dépôts britanniques étrangers en Islande avant que le FMI ne vienne en aide au pays.


- 16 novembre : les différends opposant Londres, La Haye et Reykjavík sont réglés. Un arrangement est trouvé entre les trois pays pour régler le problème des dépôts bancaires étrangers en Islande.


- 19 novembre : le FMI ratifie l'accord passé le 24 octobre dernier et débloque des fonds à destination de l'Islande. 2,1 milliards de dollars sur deux ans, dont 800 millions dès la ratification, prêt qui sera remboursé entre 2012 et 2015. Cet accord ouvre la voie au prêt de nations européennes, telles la Suède, le Danemark, la Russie et le Japon. Au total, quelques trois milliards de dollars seraient déjà rassemblés. 


La crise vue par les Islandais

Propos recueillis lors du Festival "Les boréales de Caen" (novembre 2008) dont l'Islande était l'invitée d'honneur.


La question était anodine. Innocente. Pourquoi les Islandais sont-ils si bons au handball ? Une si petite nation médaillée d'argent aux jeux de 2008 et 2010, n'est-ce pas exceptionnel ? La réponse de Árni Þórarinsson a fusé : "Je suis très fier de mes joueurs de handball et de leur réussite. Mais je préférerais avoir de meilleurs politiciens et économistes". Tout est dit. À Caen, en 2008, lors du festival des Boréales, la crise a été omniprésente. Quel que soit le thème, quel que soit l'interlocuteur.


Einar Már Guðmundsson

 Un homme aura marqué les esprits, de par son absence. Einar Már Guðmundsson était invité aux Boréales. Il n'est pas venu. Il a décidé d'être acteur de cette crise. Dans une société islandaise si peu habituée aux manifestations populaires, il s'est fait porte-parole du peuple.


L'écrivaine Guðrun Eva Minervudóttir nous parle de son combat : "Tout le monde est conscient de la crise, et de l'effondrement total de l'activité financière et économique du pays. Cela s'est transformé en crise économique et morale, à cause d'un capitalisme débridé n'obéissant à aucune règle. Les gens sont totalement abasourdis par rapport à cela. Einar Már s'est donc constitué comme porte-parole de la population, sans aucune appartenance à un parti politique. Il s'exprime à travers de longs articles dans les journaux, et il prend la parole chaque semaine dans des réunions au cœur de la ville où le publie afflue en masse. Il exhorte les gens à réfléchir et à riposter, car la population est presque paralysée."


L'ancienne présidente de la République (1980-1994) Vigdís Finnbogadóttir est, elle, très critique sur le gouvernement islandais. Elle le rend indirectement responsable de la crise : "Nous pouvons reprocher à nos gouvernants d'avoir créé une situation ingouvernable, tiraillée par une contradiction politique entre la conservation de la couronne et la mondialisation de nos capitaux. Nous sommes allés trop vite, trop fort. Les gens ordinaires ne se méfiaient pas, car ils vivaient très bien ces dernières années."


"Mais cela me surprend beaucoup que nous ne nous soyons pas méfiés. Depuis au moins deux ans, les nuages étaient visibles. Il est très dur pour un petit peuple de supporter cela. Cela n'aurait déjà pas été facile pour un pays plus grand. Mais nous restons calme, nous nous serrons les coudes. Chaque samedi, la population manifeste devant le parlement. Digne, mais avec colère.

Vigdís Finnbogadóttir et Torfi Tulinius

Torfi Tulinius, professeur à l'université d'Islande, reste très optimiste :


"Nous avons vécu dans une bulle pendant six ans, depuis la privatisation des banques. Nous avons perdu le sens de la réalité. Aujourd'hui, la bulle est percée. Mais une énergie créatrice critique s'est créée : des réunions, des manifestations, des messages sur internet."


"Björk a elle-même pris la tête d'un mouvement intellectuel qui cherche à donner des moyens plus créatifs et plus modernes à notre économie. C'est le signe que le peuple veut du changement dans l'élite et dans la politique. Cette crise va être salutaire je pense pour l'Islande. Je suis optimiste. On va s'en sortir par la créativité."


L'écrivaine Steinnun Sigurðardóttir voit, elle, le côté plus sombre de cette crise qui touche directement la vie des Islandais : "Les gens ont tous perdu de l'argent. Certains ont tout perdu. Et désormais, il y a le chômage. L'Islande a changé à jamais. Désormais, quand on se quitte, on ne dit plus à bientôt, on dit bonne chance."


Bonne chance, d'autant plus qu'un nouveau péril menace l'Islande désormais pour Torfi Tulinius : l'exil. "Le grand défi pour l'Islande aujourd'hui, c'est de faire en sorte que la société soit assez dynamique pour que les jeunes aient la possibilité de revenir et de rester. Le danger, c'est qu'ils ne voient pas d'avenir pour eux en Islande."


"Et pendant la crise, les bibliothèques sont toujours ouvertes." L'humour bien touché de Vigdís Finnbogadóttir. 

Friðrik Rafnsson

L'Islande et ses livres. La crise économique a un impact sur le marché littéraire en Islande. Les gens ont moins d'argent, donc ils achètent plus de livres. Une logique toute islandaise expliquée par Friðrik Rafnsson, président de l'association française de Reykjavík :


"Le nombre de titre publié en 2008 est à peu près équivalent à 2007, qui était une année record pour l'Islande. Nous n'avions jamais sorti autant de livres que l'an passé. Le monde littéraire islandais est donc toujours vivant et dynamique."


"C'est culturel : à chaque fois que le pays vit une récession, une crise, les habitants reviennent aux valeurs sûres : le livre en premier lieu. Un livre, c'est l'essentiel, car cela reste. C'est quelque chose de tangible."


La crise s'invite jusque dans la danse. Au détour d'une phrase, presque innocente, conversation entre une danseuse islandaise et son chorégraphe anglais, l'islandaise raillant son collègue : "Je sais que les Anglais ont voté des lois anti-terroristes contre les Islandais." Oui, la crise est partout. 

Tentative d'explications


La crise financière a été provoquée par les sub-primes aux États-Unis d'Amérique. Les banques ont prêté, prêté, prêté et personne n'a pu les rembourser. Conséquence directe : ces prêts perdent de leur valeur. En parallèle, des organismes de prêts américains proposent des crédits à la consommation en prenant les biens immobiliers des particuliers en hypothèque. Mais effrayés par la baisse des prix de l'immobilier, ces organismes de prêt réclament l'argent aux familles, qui ne peuvent évidemment pas rembourser. La valeur de ces prêts diminuent donc logiquement.



Le problème est que ces prêts immobiliers sont des produits côtés en bourse. Des sociétés de fonds d'investissement ont racheté les titres boursiers sans prévoir que ces titres chuteraient si lourdement. Avec la dévaluation des biens immobiliers et des prêts, les fonds d'investissement ont cherché à vendre au plus vite. Malheureusement : aucun acheteur, sinon à très bas prix. Pour compenser la trésorerie, ces fonds vendent à tout-va leurs autres titres boursiers. Conséquence : les titres boursiers baissent et certaines banques se retrouvent d'un seul coup avec beaucoup beaucoup moins d'argent. Ces banques empruntent donc à d'autres banques : c'est le marché interbancaire. Mais les banques se méfient les unes des autres et hésitent à prêter. Du coup, de plus en plus de banques ont des problèmes de trésorerie. Pour tenter de préserver le système financier et éviter le crash, les banques centrales prêtent de l'argent aux banques en difficulté. L'Islande, du fait de sa croissance extraordinaire, était le paradis des investisseurs. Le système bancaire et financier de l'Islande joue un très grand rôle dans l'économie du pays. Peut-être trop grand, puisque si le système financier s'écroule, toute l'économie du pays est très gravement compromise.

Logo Banque Icesave Islande

La filiale de la banque Landsbanki, Icesave, banque sur Internet, comptait plus de clients anglais que d'habitants en Islande. Malheureusement, elle a subi de plein fouet la crise et, après sa nationalisation, a dû geler les comptes de tous ses clients, qu'ils soient particuliers ou collectivités. À titre d'exemple, le métro londonien était client de Icesave. Ces investisseurs anglais ont beaucoup perdu à ce jeu d'argent. Sur fonds de vieille querelle islando-britannique, le premier ministre Gordon Brown a décidé d'intenter un procès contre les autorités islandaises. La crise financière devient crise diplomatique. Le but : récupérer l'argent investi en Islande. Pour se faire, le gouvernement anglais se retranche derrière une loi anti-terroriste pour saisir tous les avoirs des banques islandaise dans le Royaume. Pour récupérer leurs biens, les banques devront rendre leur argent aux investisseurs anglais.


Suite à cela, un anglais a ironiquement mis aux enchères l'Islande, sous l'intitulé : "opportunité unique d'acquérir un pays d'Europe du Nord". Mise à prix : 99 pence (environ 1 euro). Même punition pour le Benelux ayant investi dans la banque islandaise Kaupþing. Les fonds investis par les belges, néerlandais et luxembourgeois ont été gelés. Fin novembre, les acteurs de la gestion de crise anglais, islandais et néerlandais ont trouvé un accord pour une sortie de crise.


Les Islandais en action


Que pensent les Islandais de tout ça ? D'un naturel optimiste, ils savent qu'ils ont les ressources pour faire face à cette crise et rebondir. Mais un autre problème a surgi, et pas des moindres : les Islandais perdent peu à peu confiance en leur gouvernement, représenté par le premier ministre Geir Haarde et le ministre des Finances, Árni Mathiesen. Voilà plusieurs semaines que les Islandais manifestent à Reykjavík en exigeant la démission du gouvernement, mais également celle des dirigeants de la Banque centrale. 

Geir Haarde, premier ministre islandais

Pour les Islandais, rien n'est clair dans la faillite de leur pays. Le 14 octobre, la bourse islandaise a ouvert avec une chute de plus de 75%. Le 15 octobre, le gouvernement annonce une baisse des taux d'intérêt, pour, deux semaines plus tard, retourner sa veste et annoncer une hausse des taux d'intérêt de 6 points. La baisse devait aider les ménages et entreprises à garder la tête hors de l'eau. Mais le FMI a chaudement recommandé à Geir Haarde cette hausse afin de lutter contre l'inflation et contre la dépréciation de la couronne. Les Islandais ont le sentiment que leur propre gouvernement les abandonne au profit des investisseurs étrangers.


Le gouvernement a nationalisé les principales banques du pays et sollicité l'aide du FMI dans le cadre de leur accord. Ce dernier a octroyé un prêt d'un peu plus de deux milliards à l'Islande. La Pologne, la Russie et la Chine proposent également leur aide. Plus pour le geste que pour la portée du montant, les îles Féroé, pays voisin et ami, ont également apporté un léger soutien financier. Enfin, suite à la réunion des premiers ministres des pays nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède) à Helsinki, les pays historiquement liés à l'Islande, encouragé par le prêt du FMI devraient rester solidaires du pays. La monnaie, la couronne, a perdu plus de la moitié de sa valeur suite à la crise mondiale. Les Islandais sont évidemment les premières victimes de cette dépréciation. Ils crient aujourd'hui leur désespoir à ce gouvernement dont ils ne comprennent pas les actes, allant parfois jusqu'à les accuser de corruption. Ils ont tout perdu dans cette crise, la plupart d'entre eux sont aujourd'hui ruinés.


Quel avenir pour l'Islande ?


Les offres de prêts des pays amis, comme la Norvège, sont toujours en cours de négociations. L'Islande a encore besoin de quatre milliards d'euros pour tenir ses engagements bancaires et sauver son économie. Les banques vont devoir dégeler leurs fonds et relancer leur système bancaire. Le gouvernement reste optimiste et met en avant les secteurs clés de son économie : la pêche et l'aluminium. 

Crise Islande

Le prêt de deux milliards du FMI devrait permettre à l'Islande de relancer son économie : regain de la couronne, accentuation de l'exportation et diminution des importations, etc. La somme octroyée a également pour but de rassurer les investisseurs et de relancer la confiance. La question de l'adhésion à l'euro se pose et fait toujours débat dans le pays. L'adhésion à l'Euro et donc à l'Europe aurait permis d'éviter la dépréciation de la monnaie islandaise : la couronne n'était pas assez forte pour résister à la crise. Mais la question de la pêche fait hésiter plus d'un Islandais.


Les artistes s'imposent pour proposer des solutions autres. Einar Mar Gudmundsson débat avec le peuple chaque samedi depuis octobre. Björk est très active et amène une réflexion plus créative face à la crise. Mais Reykjavík ne s'est pas faite en un jour, et l'Islande risque de mettre du temps à se remettre de cette crise financière. 


Interview de Vigdís Finnbogadóttir

Propos recueillis à l'occasion des Boréales de Caen en novembre 2008.


Il est une chose qui frappe au contact des Islandais : leur proximité. Leur humilité. La Présidente de tous les Islandais ne déroge pas à cette règle immuable. Cette femme est entrée dans l'Histoire en étant la 1
ère démocratiquement élue au monde. C’était en 1980. En quatorze ans au sommet de l'État, elle a rencontré les plus grands. Et aujourd'hui se mêle à la foule en toute discrétion. Vigdís Finnbogadóttir s'est confiée sur cette crise qui frappe son pays. Touchée, mais optimiste, elle est confiante dans les ressources de ses compatriotes.


Madame la présidente, que ressentez-vous aujourd'hui, lorsque vous voyez l'accueil réservé à l'Islande en France ?

Que ressentiriez-vous si votre pays était célébré ainsi en Islande ?


Je suis très fière et très heureuse bien sûr.L'Islande est représentée dans ce festival tel que nous sommes : un peuple fort, fier, littéraire. Nous avons un peu parlé de nos difficultés actuelles, mais je suis convaincue que nous allons surmonter cela.

Vigdís Finnbogadóttir

Cela me réchauffe le cœur de voir cet accueil, de voir tout ce qui se passe ici : la littérature, les expositions, la musique, les éditeurs, les films. Cela montre à quel point l'Islande, un pays de 320 000 habitants, est capable de créer quelque chose, capable de tenir un vrai rang au niveau de l'art dans le monde.


Cela prouve qu'il existe un vrai lien entre nos deux pays, vous en êtes un parfait exemple puisque vous avez étudié en France et parlez parfaitement le français.


Oui, il y a un lien très fort entre nos deux pays et beaucoup de similitudes : la célébration de la langue et de la littérature notamment. Les Français sont préoccupés par la littérature et comptent sur elle pour sauver leur langue, tout comme les Islandais. Ceux qui ont fait leurs études en France, comme moi, ont eu cette formidable expérience de tisser des liens entre notre culture nordique et votre culture latine. C'est une grande satisfaction. Cela nous donne une autre vue sur la vie, comme une vision.


En tant qu'ancienne Présidente de la République, comment vivez-vous la crise économique qui secoue votre pays ?


Je vis ces temps difficiles comme une grande tragédie. C'est un drame que je ne comprends pas. Comment trois banques privées peuvent-elles, en s'écroulant, emmener tout le pays dans leur chute ? Nous savions que la couronne n'était pas assez forte, nous aurions dû faire quelque chose, mais nous ne l'avons pas fait. Nous avons été colonisés pendant des siècles avant de nous libérer. Aujourd'hui, il faut nous libérer à nouveau de cette crise qui nous colonise. Avec notre cœur, avec notre éducation et avec de la fantaisie, nous allons réussir à nous en sortir. Et tout le monde agit. Björk, par exemple, est très active. Le groupe qu'elle a créé, Nattura, cherche à reconsolider les choses. Nous allons trouver les moyens, en utilisant nos connaissances.


Vous avez été la première femme présidente élue démocratiquement au monde. Et l'Islande a une image d'un pays très en avance sur le droit des femmes. Cette image correspond-elle à la réalité ? 

Vigdís Finnbogadóttir

Il ne faut pas se fier aux apparences. L'Islande a des faiblesses. Il est vrai que les Islandaises sont des femmes très fortes, et elles travaillent beaucoup. Elles ont notamment eu accès à l'éducation : 58% des femmes sont allées à l'université. Aujourd'hui, elles sont plus nombreuses que les garçons. Je me soucie d'ailleurs maintenant des garçons qui ne sont pas assez nombreux, je veux que eux aussi fassent des études. Mais les femmes ne sont pas aussi bien payées que les hommes. Et pourtant, dans deux récents sondages, le peuple islandais a demandé à ce que deux femmes soient nommées à la tête des banques, car elles ne prennent pas autant de risques que les hommes.


Aujourd'hui, quel est le défi de l'Islande ?


Notre défi aujourd'hui, est de surmonter le problème de la crise. Nous sommes à genou, il nous faut nous relever, et demain, je suis sûre que nous serons debout à nouveau. C'est le but. Les Islandais sont assez forts, ont assez d'idées et de formation. C'est leur force. Nous ne sommes pas paresseux, nous sommes travailleurs. La seule chose que je craigne est que les jeunes quittent le pays à cause du chômage. Mais ils reviendront, à cause de leur attachement à la langue, à la famille, à la culture. Il existe des liens très forts entre le peuple islandais et son pays. 


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