La pêche en Islande dans la culture :

gastronomie, légende, cinéma et littérature


Et au milieu coule une rivière… Ce chef d’œuvre du cinéma américain n’aurait-il pas pu se jouer en Islande plutôt que dans le Montana ? Les panoramas splendides et le foisonnement des poissons auraient sûrement satisfait Brad Pitt.


Que ce soit la pêche en eau douce ou la pêche en haute mer, les eaux poissonneuses d’Islande sont sources d’imaginaires. Dans le cinéma ou en littérature, la pêche est au centre de nombre de légendes. Une culture islandaise empreinte du milieu aquatique qui débouche sur une des gastronomies pescétariennes les plus fines du monde. 


La pêche en Islande dans la gastronomie


La gastronomie islandaise n’est pas la plus réputée du monde. Entre les testicules de bélier et la tête de mouton bouillie, on comprend pourquoi. Pourtant l’essentiel des repas islandais est à base de poissons. Le riche marché aux poissons de Reykjavik, Fiskmarkaðurinn, le confirme. Cuisiné de toutes les façons possibles, le poisson régale les papilles des îliens : en soupe, en papillote, à la poêle, à la vapeur, et surtout séché. Morue, saumon, truite, omble, cabillaud, aiglefin et même requin, le poisson séché est une spécialité islandaise. 


En vous baladant dans les villages, vous apercevez régulièrement des installations où sont suspendus divers poissons. Contrairement au hareng saur, fumé et séché au feu de bois, en Islande le poisson se sèche au vent sur plusieurs mois. Comme le Hakarl, la viande de requin est séché après avoir été enterré quelques semaines sous terre. L’autre technique de séchage consiste à étaler le poisson sur de grands plaques, de les recouvrir de sel, puis d’un filet. 


Le poisson séché islandais (Harðfiskur) est très riche en protéines, vitamines et oméga 3. Il peut se déguster en apéritif ou en en-cas, l’équivalent de notre sandwich. Vendu en sachet, il paraît peu ragoûtant. Pourtant, malgré un fumet fort, le goût reste agréable en bouche. Les piscivores et ichtyophages apprécieront le goût… Quelques repas islandais sont décrit sur Adventures.com. Et le mini-documentaire d'Hervé Cuisine avec recettes de poissons


La légende du Loch Ness à l’islandaise 


Légende d'un bateau islandais pétrifié

Le monstre du Loch Ness a de la concurrence : le Lagarfljótsormur. Cette créature marine vivrait dans un lac d’Islande proche d’Egillstadir. Assimilé à un ver géant, ce monstre aquatique proviendrait directement de l’Océan Atlantique pour trouver refuge dans la rivière Lagarfljot. Un être lacustre que personne n’a jamais vu, mais que tous les Islandais connaissent. L’un dans d’entre eux l’a d’ailleurs filmé il y a quelques années. Cliquez pour voir la vidéo du monstre marin islandais


Un comité d’experts a validé la présence du monstre à partir de cette vidéo amateur récente. Les images en question sont effectivement troublantes. Beaucoup y voit un montage, un canular. Pourquoi alors des experts officiels ont-ils attesté la présence du Lagarfljótsormur en Islande ? Réponse très simple : pour le tourisme. Les chercheurs de monstres s’activent. Et la compétition s’engage. Comme pour le monstre du Loch Ness, la chasse est ouverte. Le premier qui trouvera le Lagarfljótsormur sera le grand gagnant. 


L’Islande surfe sur ces croyances qui intriguent et amusent le monde. Détourner des routes pour préserver les territoires des elfes, discuter avec les créatures surnaturelles ou admirer des trolls pétrifiés le long d’une plage de stable noir. Alors pourquoi ne pas jouer avec les légendes islandaises et proposer aux touristes avides d’aventures une pêche au monstre marin. 


Blackport, série islandaise sur la pêche


Blackport, série islandaise sur la pêche en Islande

Grand Prix du Jury au festival Séries Mania 2021, la série Blackport captive. Début des années 80, l’Islande change sa politique de pêche. Les quotas mis en place bouleversent les habitudes des pêcheurs Islandais. Une famille d’un village côtier va profiter des nouvelles directives pour créer un empire de la pêche. Entre intérêts personnels et conflits professionnels, les personnages tentent de s’adapter à l’évolution inéluctable de la société islandaise.


Bientôt disponible sur Arte, l’avis de Série Mania convainc de visionner l’œuvre des créateurs Gísli Örn Gardarsson, Björn Hlynur Haraldsson, Nina Dögg Filippusdóttir : « La Colombie a la cocaïne. L’Afrique a l’or. Et l’Islande, le poisson. Mais quand cette ressource rare vous est arrachée des mains au nom de la libéralisation économique, quelle autre liberté vous reste-t-il que celle de danser, chanter et boire et reboire encore ? Une ode aux marins et à leur monde perdu, couplée d’une farce féroce sur les suppôts du capitalisme. »  

La pêche en Islande dans la littérature


Pierre Loti, Pêcheur d'Islande

Pierre Loti tableau du Douanier Rousseau - Pêcheurs d'Islande

En 1886 sort le roman le plus célèbre de Pierre Loti : « Pêcheurs d’Islande ». Cela fait déjà quelques décennies que les marins-pêcheurs bretons partent en expédition pour la "pêche à Islande".


Pierre Loti, de son vrai nom, Louis-Marie-Julien Viaud, est écrivain et officier de marine. À la fin du XIXème siècle, il devient membre de l'Académie Française. Alors qu'il n'a que quinze ans, son frère, Gustave, meurt en mer. L'évenement le marque et transparaît dans le roman "Pêcheurs d'Islande". 


Ce roman est aujourd'hui un classique. L’histoire est celle d’une passion entre une jeune fille aisée, Gaud, et un marin-pêcheur de Paimpol, Yann. Ce dernier est l'archétye du marin breton : sombre, désinvolte, buriné par le soleil et la beauté sauvage. Sa seule et unique passion : la mer. 


Quand ses amis lui parle mariage, Yann répond, à la fois détaché et profond : " Non, moi, ce sera avec la mer". Son meilleur ami, Sylvestre, s'attriste de ce propos. Il est superstitieux. Épouser la mer, cela signifie mourir dans ses bras. Sylvestre préfèrerait vivre les noces de Yann avec la belle Gaud, la blonde aux yeux gris. 


D'abord indifférent, Yann finit par accepter l'amour de Gaud. Une passion amoureuse qui reste perturbée par la "pêche à Islande". En tant que fille d'Islandais, ces marins bretons qui partaient pêcher en mers d'Islande, elle connaît les dangers des expéditions en mer. Quand Yann repart sur son bateau, Gaud attendra son retour. Mais l'horizon restera désepsérement silencieux.


Jon Kalman Stefansson

Jon Kalman Stefansson

Jon Kalman Stefansson est poète avant d’être romancier. Comme beaucoup d’Islandais. Il explique d’ailleurs ce choix du peuple d’Islande : mourir isolés du monde ou « survivre dans ce pays hostile en rêvant ». Voilà qui explique les liens des Islandais à la littérature d'Islande


Comme le rappelle la première femme élue démocratiquement au monde présidente d’une république, Vigdis Finnbogadottir : « En Islande, nous n’avons pas de châteaux forts, mais nous avons les Sagas ». Les Sagas, richesse absolue de la culture médiévale. La littérature est ancrée dans l’âme des Islandais aussi profondément que la mer dans l’âme d’un marin. Et puisque les Islandais sont aussi des marins, autant mêler les deux.


C’est ce que fait Jon Kalman dans son roman « Entre ciel et terre ». Le héros, Baldur part pêcher la morue sans sa vareuse. L’esprit occupé par les vers d’un recueil de poèmes de Milton, il oublie de se préparer à affronter la mer. C’est son cadavre qui reviendra à terre. Son meilleur ami, fou de douleur, entame alors une quête. Il parcourt le pays à la recherche d’un capitaine aveugle pour lui rendre le livre dans lequel Baldur s’était trop profondément plongé. 


Jon Kalman Stefansson est de ces écrivains qui transportent les cœurs. Il nous parle pêche, il nous parle mer, il nous parle poésie. De ce roman naît la conscience de l'impermanence du monde, de notre relation à une nature instable et de la frontière entre la vie et la mort. Une frontière loin d'être évidente. 


Écoutez le podcast France Culture avec Jon Kalman Stefansson


Jacques Prévert

Poisson séché en Islande

« La chasse à la baleine » est un poème de Jacques Prévert extrait de son recueil de poésie « Paroles ». Une histoire tragique. Celle d’un fils, Prosper, qui refuse de partir chasser la baleine avec son marin de père. L’animal ne lui a rien fait, pourquoi irait-il le tuer ? De toute façon, il préfère le cocon douillet de la maison où sa mère est en train de cuisiner une bonne soupe. Le cousin Gaston est là lui aussi, profitant de la chaleur du foyer. 


Quand le père revient de sa chasse, une baleine aux yeux bleus sur son dos, Prosper se rebelle encore. Pourquoi irait-il dépecer un animal qui ne lui a rien fait ? La baleine s’empare du couteau censé la disséquer. Elle embroche le père. Celui-ci meurt aussitôt. La baleine retourne à la mer, non sans oublier auparavant de conseiller la toute récente veuve. 


« Madame, si quelqu'un vient me demander,

Soyez aimable et répondez :

La baleine est sortie,

Asseyez-vous,

Attendez là,

Dans une quinzaine d'années, sans doute elle reviendra… »


Le poème de Jacques Prévert a été mis en image par l’illustrateur Henri Galeron dans un album pour enfants aux éditions Gallimard. Il est disponible chez votre libraire de proximité via le site Place des Librairies. Il a égalemet été mis en musique par Joseph Kosma. Les sublimissimes Frères Jacques interprètent le poème de Prévert en chanson. 


Ian Manook, "À Islande"

Ian Manook - A Islande

Ian manook nous a régalé avec les enquêtes de Yeruldelgger en Mongolie. Il a récidivé en déplaçant ses polars en Islande. Car l'île est une des passions de Ian. 


Si l'on en croit sa page Facebook, le journaliste et romancier Ian Manook serait né à Fáskrúðsfjörður, en Islande. Ce petit village de pêcheur a longtemps accueilli et pris soin des marins-pêcheurs bretons. Le noms des rues est d'ailleurs en islandais et en français. 


Les relations entre Islandais, natifs de l'Islande, et Islandais,  pêcheus bretons, Ian Manook les décrit avec force dans son livre publié aux éditions Paulsen "À Islande". Extrêmement documenté, le livre raconte le quotidien des marins-pêcheurs bretons lors de leurs expéditions de "pêche à Islande". 


L'auteur nous immerge dans un univers âpre, dur où tous nos sens sont en éveil. À bord des goélettes paimpolaises, les marins vivent un enfer. À travers les mots de Ian Manook, nous le partageons avec tension. L'odeur des viscères du poisson découpé sur place agresse nos narines. Le vent glacial fouette nos visages. Les vagues déferlantes d'une mer démontée nous donne la nausée. Le poids des lourdes morues lestent nos bras engourdis. Les cordes lacèrent nos mains. Et la peur. La peur nous submerge quand la tempête fait rage et qu'une lame vient d'emporter un des marins du navire. Notre collègue. 


"À Islande" est un hommage manifique à ceux qui ont risqué leur vie en mer lors de la Grande Pêche. Une ode aux disparus. Une ode aux marins bretons. Une ode à l'islande. 


Le livre de Ian Mannok est disponible chez votre libraire de proximité

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